Françoise Boudreault
Dans le superbe écrin naturel du Cirque de la Pointe-Sèche, le cirque de À temps amène un contraste avec beaucoup de paillettes, des grandes bottes à talons hauts avec des reflets métalliques, des fauteuils et éléments de décor fixés aux rochers, des courses folles, des acrobaties de haut niveau et des demandes d’applaudissements au public. Bref, c’est showtime et les acrobates mènent le bal avec une énergie contagieuse.
« Tant qu’il y aura l’énergie et le plaisir »
Pour Élyme Gilbert, à la tête de l’équipage du Cirque de la Pointe-Sèche de Saint-Germain-de-Kamouraska, la reprise de l’an dernier a fait du bien. Après 3 créations non consécutives, la compagnie compte désormais sur une équipe solide. L’acquisition de l’église du village par un OBNL, créé pour un projet de revitalisation, a facilité les choses. On trouve dans ce vaste espace un atelier de poterie, un centre d’escalade et une école de cirque. « Le lieu nous a permis de commencer la création à l’intérieur dans un milieu contrôlé, sans les intempéries du mois de mai (pluie, froid, vent, neige), un très bel ajout dans le processus créatif. La préparation des numéros dans l’église s’est faite parallèlement au travail sur le site. »
La création d’un spectacle de cirque évolue dans un certain esprit selon celui qui joue le rôle de rassembleur au Cirque de la Pointe-Sèche : « Ce qui se dégage, c’est le côté familial, la camaraderie. On vit ensemble le temps d’un été pour créer et faire rêver les gens et il y a un sens de la communauté. Cette année, huit enfants autour – dont six ont de moins de deux ans – vivent le Kamouraska avec nous. Les familles peuvent profiter de la région. On vit dans un monde où souvent on va d’abord travailler et on s’occupe de nos enfants après. Je trouve important que les enfants fassent partie de notre vie de travail. La carrière d’un artiste de cirque est souvent courte et un enfant peut ralentir l’élan de la carrière ; si on peut contribuer à l’allonger en facilitant les choses pour les familles et que ça crée en plus une belle dynamique de groupe… »
La région possède un certain pouvoir d’attraction. Élyme Gilbert poursuit : « C’est la deuxième année qu’on travaille avec le musicien, Maxime Éthier, qui a aménagé à Saint-Germain. Son studio est juste à côté de l’église et ça améliore l’efficacité dans la création. En plus, il a suscité une revitalisation de la musique dans le village en créant la Batucada, une troupe musicale qui regroupe 35 musiciens du coin. » Et il n’est pas le seul à s’établir dans les parages. « Une acrobate aérienne, Mylène Grenier-Lemieux, a acheté une résidence secondaire à Kamouraska et s’implique beaucoup dans la mise en place de l’école de cirque. Des gens déménagent dans le coin pour mettre de l’avant les arts du cirque et la culture en général. C’est bon à constater et à vivre. »
À temps pour la montagne et la forêt
Aussi impressionnante que l’acrobatie, l’installation du Cirque de la Pointe-Sèche nous amène dans la forêt montagneuse, d’abord par une passerelle aménagée le long des escarpements rocheux où plusieurs tableaux vivants nous présentent des personnages du spectacle. Ainsi, un cycliste pédale pour faire tourner un fauteuil dans lequel une acrobate en tenue de soirée s’étire et relaxe. Le public prend place à l’intérieur de conteneurs en métal superposés, sur lesquels sont peintes d’immenses fresques d’inspiration maritime réalisées par des artistes tels Marie-Chloé Duval ou Alexandre Maheux.
Il y a beaucoup à voir avant que la représentation commence. Les décors, les installations acrobatiques, les boîtes transparentes où jouent les musiciens, le plancher amovible en damier noir et blanc, la haute paroi rocheuse surmontée d’arbres et le ciel étoilé …ou pas. Du sable couvre le sol. Le spectacle peut même avoir lieu sous la pluie qui ajoute sa touche magique, m’a-t-on dit.
En début de spectacle, une jeune femme hésite entre deux belles robes et on entend le tic-tac d’une horloge. Arrivera-t-elle à temps à son rendez-vous ? Oui, le temps nous manque, mais n’y pensons plus ! À temps est une invitation à se parer de ses plus beaux atours pour aller faire la fête.
Le numéro de trampoline en ouverture est captivant avec Sarah Cooper, Jean-Philippe Labelle, Joshua Vinette et un fauteuil joliment utilisé. Mentionnons aussi le dynamique et élégant numéro de sangles de Mathilde Richer et les allures de ballerine de la filiforme Klodi Dabkiewicz, interprète de choix pour les chorégraphies de facture classique. Intéressante expérience : pendant le numéro de bungees, dont les ancrages et haubans sont arrimés aux conteneurs, Mylène Grenier-Lemieux et Alana Monggridge, épatantes, évoluent pendant certains moments à la même hauteur que les spectateurs du deuxième plancher. Pour la finale éclatante à la balançoire russe, les acrobates passent des paillettes à la “combine” pour s’élancer dans les airs en vrilles et saltos pour glisser ensuite jusqu’au sol dans une toile blanche verticale.
Un cadre spectaculaire pour une production qui l’est tout autant, avec de beaux moments et une troupe dynamique, dans un rare environnement grandiose de montagne et de forêt.
À temps, jusqu’au 3 septembre au Cirque de la Pointe-Sèche à Saint-Germain de Kamouraska