Cirque en douceur avec papier de soie – « Paperplane » du Théâtre Advienne que pourra

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Evelyne Laforest, Alexandra Royer et Hippolyte dans "Paperplane" - Photo JF Savaria
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Samuel Charlton, Bobby Cookson et Hippolyte dans "Paperplane" - Photo JF Savaria
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Alexandra Royer au cerceau aérien dans "Paperplane" - Photo JF Savaria
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Hippolyte et Evelyne Laforest dans "Paperplane" - Photo JF Savaria
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Sarah Leblanc-Gosselin, Bobby Cookson, Myriam Daraiche et Samuel Charlton dans "Paperplane" - Photo Marie-Andrée Lemire
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Bobby Cookson à la roue Cyr dans "Paperplane" - Photo Marie-Andrée Lemire
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Myriam Daraîche, Evelyne Laforest et Katarina Sobinkovicova dans "Paperplane" (2023) - Photo Marie-Andrée Lemire
12 avril 2025,

Françoise Boudreault

Depuis sa fondation à Repentigny en 2005, le Théâtre Advienne que pourra (AQP) a réalisé plusieurs spectacles comme Le Magicien d’Oz dont le visuel, sur la page d’accueil du site Web de la compagnie, montre un chapiteau et des personnages circassiens. La plus récente pièce du Théâtre AQP, Orgueil et préjugés adapté par Rébecca Déraspe, vient de terminer un mois de représentations au Théâtre Denise-Pelletier de Montréal. Paperplane a été créé en 2023 et revient sur les planches grâce à la TOHU.

Le codirecteur artistique du Théâtre AQP a connu le cirque sous chapiteau enfant, mais c’est plus tard qu’une mise en scène de Daniele Finzi Pasca a marqué Frédéric Bélanger : « Rain du cirque Eloize a vraiment bouleversé m’a perception des arts du cirque. J’étais ému par temps de douceur et de beauté. » Le cirque actuel ne s’en tient plus à la seule performance technique et met aussi son art et son expressivité au service d’oeuvres en quête de sens.

Lors de la création de Paperplane, Frédéric Bélanger s’est entouré d’une conceptrice et d’un concepteur acrobatiques pour une meilleure cohérence entre les arts du cirque et la mise en scène. Il avoue : « Je n’ai aucune éducation circassienne. Je viens du théâtre. Émilie Émiroglou, Nicolas Germaine et moi étions une équipe complémentaire. Émilie, à la co-mise en scène, réussissait à transposer mes mots dans les corps des interprètes. Corinne Pierre a poursuivi le travail pour la remise en piste. Si Émilie savait parler aux aériens, Nicolas Germaine s’adressait à la roue Cyr et à la jonglerie. »

Pour Frédéric Bélanger, l’acrobatie a nécessité une approche exigeante. « Un défi de chaque instant. J’ai l’habitude de créer avec des acteurs·trices dont la parole, les mots, sont la principale source d’inspiration. On veut faire entendre le texte. Ici, comme en danse, c’est le corps qui parle et qui doit être mis de l’avant. Émilie, Nicolas, Corinne et moi avons travaillé de concert pour apporter une dramaturgie corporelle à l’oeuvre. Ne pas chercher à mettre la performance acrobatique à l’avant plan. » Cela en tenant compte des disciplines acrobatiques qui portent leurs propres connotations. « En danse, un tango apporte une direction. En cirque, un aérien aussi. C’est très différent d’un équilibriste. Chaque artiste est unique et maîtrise un art qu’il a mis des années et des années à raffiner. Par sa personnalité et sa discipline, il raconte déjà quelque chose. Le défi est très souvent de l’amener ailleurs. »

À l’instar de la multitude de feuilles de papier de soie qui légèrement tournoient, flottent ou volettent dans l’espace scénique, Paperplane fait voyager le public avec sérénité à travers les images d’une enfance révolue, les réminiscences d’un temps consumé ou le souvenir d’une femme disparue et tendrement aimée. Malgré des projecteurs parfois dirigés vers l’assistance qui aveuglent momentanément certaines personnes, les éclairages de Nicolas Descoteaux intensifient avec justesse l’ampleur et la théâtralité poétique de Paperplane.

Si la prouesse n’est pas primordiale dans Paperplane, elle n’est pas absente pour autant avec une distribution d’acrobates chevronnés. Myriam Daraîche, debout sur les épaules de Samuel Charlton saute sur un pied dans la main de son partenaire. Alexandra Royer brille au cerceau aérien avec virtuosité. Bobby Cookson excelle à la roue Cyr, joue de la guitare et jongle avec des bâtons de baseball. Interprète d’exception aux équilibres, Evelyne Laforest manipule aussi des hula hoops. En protagoniste, Hippolyte s’exprime avec ses multiples talents et peut même chanter et jouer de la guitare pendant qu’il évolue au mât chinois. Vers la fin du spectacle avec Marceau Bidal surprend avec ses sangles asymétriques, un appareil aérien inusité.

Parachutes servant de tentures, avion de papier ou casques de cuir caractéristiques font référence à l’aviatrice Amelia Earheart, mystérieusement disparue lors d’un vol au-dessus du Pacifique, et confèrent une couleur indubitablement aérienne à la dramaturgie de Paperplane, en plus des appareils acrobatiques évoluant en hauteur. La théâtralité s’appuie aussi sur le son qui donne le ton aux différents tableaux. Le choix de la musique acoustique de Paperplane est un véritable baume – pour une fois, le son n’est pas trop fort à la TOHU ! – et amène des morceaux rythmés ou convoque la nostalgie avec, par exemple, l’iconique Dis, quand reviendras-tu ? de Barbara. La voix angélique autant qu’énergique de la pianiste Sarah Leblanc-Gosselin constitue l’une des forces du spectacle. Une des chansons a même suscité les applaudissements du public, habituellement réservés aux prestations spectaculaires des acrobates.

Dans les arts de la scène contemporains, le cirque fait désormais partie du vocabulaire que choisissent les créatrices et les créateurs. Paperplane métisse l’acrobatie, le théâtre, le chant et la musique dans une forme multidisciplinaire empreinte à la fois de joie et d’une douce mélancolie, qu’il fait bon voir en ces temps incertains.