Françoise Boudreault
Des cofondateurs des 7 Doigts de la main, Samuel Tétreault est celui qui a créé des spectacles souvent liés aux arts visuels. Il a réalisé son Projet Fibonacci en suscitant des rencontres interculturelles à travers le cirque dans plusieurs pays, entre 2007 et 2019, avec une dizaine de distributions différentes. Son Triptyque (2015) mariait la danse et le cirque avec la collaboration des chorégraphes Marie Chouinard, Marcos Morau et Victor Quijada. Dans Bosch Dreams (2016), il explore l’œuvre de Jérôme Bosch dont les personnages et créatures s’animent en scène grâce à Ange Potier, pour s’amalgamer au cirque et au théâtre. Témoin et acteur de l’évolution du cirque québécois depuis 35 ans, cet acrobate accompli aime se plonger dans la création.
Samuel Tétreault convie encore une fois les arts visuels au cirque en visitant l’œuvre d’un artiste emblématique et prolifique avec RIOPELLE grandeur nature. « Mon inspiration première est de célébrer la fougue créatrice de Riopelle, son inventivité, son désir de liberté et son rapport à la nature. Plus que jamais, nous avons besoin de nous reconnecter, de nous immerger dans la nature. Riopelle disait qu’elle était son unique référence à cause de son contact avec l’invisible. »
Adolescent, en 1992, il a assisté au vernissage de l’Hommage à Rosa Luxembourg : « C’était magistral, phénoménal et monumental ! Je me souviens du canot à glace1, peint à l’aérosol par Riopelle, suspendu dans la galerie de mon père. L’amplitude m’avait impressionné. »
Un invitation qui coule de source
Pour conclure en beauté les festivités du centenaire d’un artiste canadien majeur, la Fondation Jean-Paul Riopelle a invité Samuel Tétreault et Les 7 Doigts à créer une œuvre autour du célèbre peintre et sculpteur. Le spectacle immersif RIOPELLE grandeur nature a été présenté au Centre de création des 7 Doigts du 13 février au 10 mars 2024, accompagné d’une exposition de plusieurs œuvres de Riopelle, d’un espace inuit et d’installations inspirées de sa pratique artistique.
« Les 7 Doigts ont fait l’acquisition d’un album qui s’appelle Le cirque, édité par mon père en collaboration avec Gilles Vigneault et Jean-Paul Riopelle. Il avait des amis clowns chez Bouglione, dans les années cinquante à Paris. Une série d’œuvres s’inspire du cirque, à la fin des années 80. Début 2021, Yseult Riopelle m’a fait cadeau du catalogue raisonné qui documente toute la production de son père : plus de 7000 œuvres. J’ai plongé dans la diversité et le foisonnement de son œuvre, dans sa biographie. Il fait partie de ces artistes dont l’existence entière est dédiée à la création, comme Martha Graham qui a travaillé avec sa compagnie de danse jusqu’à 96 ans.
Riopelle est l’un des pionniers qui a vécu la transformation de l’art classique vers l’art contemporain à une époque où la musique évolue vers le jazz, la poésie vers l’écriture automatique, le ballet classique vers la danse contemporaine ; le surréalisme découvre la psychanalyse et l’inconscient, le cirque traditionnel se modernise… C’est le seul Canadien signataire à la fois du Refus Global et du manifeste du surréalisme. Riopelle part pour Paris en 1946, à la quête de son destin, au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Il y a une effervescence artistique, tout est à reconstruire. Il s’abreuve de ses rencontre avec Breton et les surréalistes pendant qu’au Québec c’est l’obscurantisme. »
Arts physiques
Quand il parle de Riopelle, Samuel Tétreault est intarissable. Il connaît une foule d’anecdotes sur l’homme et plusieurs de ses œuvres. Après presque trois ans à écrire et réfléchir il a choisi quelles œuvres mettre en résonance avec des chorégraphies de cirque. « Il y a un parallèle entre les arts visuels et les arts du cirque. C’est très physique. On oublie souvent l’exigence du geste de peindre, surtout les grands formats, quatre par cinq mètres par exemple : grimper dans une échelle, les centaines de touches et de coups de spatule, les litres d’huile… Riopelle plongeait dans une transe, il commençait une œuvre et s’arrêtait quand c’était fini ; ça pouvait prendre 10, 12, 14 heures. L’artiste de cirque qui grimpe dans une corde lisse, qui se tient en équilibre, c’est une relation qui demande une force physique universelle, le même déploiement d’énergie ; je voulais célébrer ça.
J’ai d’abord plongé dans la biographie mais surtout dans les œuvres pour comprendre les processus de fabrication d’un collage, d’une sculpture, de diverses techniques, et comment les transposer dans un geste chorégraphique. La peinture abstraite des automatismes partait d’un geste libre et intuitif pour commencer une œuvre sans avoir une idée préconçue de ce que ça va devenir. J’ai imaginé une partition d’improvisation qui est devenue la chorégraphie en ouverture évoquant la période des grandes mosaïques. C’est un éloge, une ode au geste créatif, à cette fougue, au désir de créer plus fort que tout, de ne pas se cantonner dans son succès, à ce qu’on a déjà accompli ou dans les classiques du passé. »
Influences nordiques
Lors de la création de RIOPELLE grandeur nature, des douze artistes prévus, Samuel passe à cinq, pour finir avec six. Il fallait donc des circassiens polyvalents. « J’ai choisi Claire Hopson, Saali Kuata, Arthur Morel Van Hyfte, Guillaume Paquin, Camille Tremblay et Simon Lemire parce que j’apprécie leur qualité de mouvement. Je voulais des gens qui avaient envie de danser. J’avais imaginé un numéro de corde lisse de groupe pour évoquer les jeux de ficelles de Riopelle, que je trouve très beaux. Mais puis-je parler de cette série sans aborder la question de l’appropriation culturelle et le rapport de Riopelle, sa fascination, l’inspiration qu’il a tirée de l’art autochtone, de l’art inuit ? »
Saali Kuata est le fondateur de la compagnie Tupiq A.C.T, vue en 2019 au Turbo Fest à Québec et, avec son spectacle Tupituqaq, au Musée McCord de Montréal et à la TOHU en 2021 et 2022, entre autres. Lauréat du prix Jeunesse autochtone des prix Reconnaissance jeunesse du Québec, Saali est apprécié pour son engagement et ses actions exemplaires. Samuel connaissait déjà Saali « Le seul artiste de cirque au monde qui est à la fois Inuit et qui fait de la corde lisse ; le choix allait de soi. Une belle rencontre. Quand je lui ai parlé du projet, il connaissait déjà Riopelle dont il a vu l’exposition au Musée des beaux-arts ; c’est de l’appropriation culturelle pour lui. J’ai invité un artiste de cirque contemporain, inuit qui plus est, à réfléchir autour de l’œuvre de Riopelle. Comment envisager ça ? Ce que ça signifiait dans le temps, ce que ça représente pour lui. Comment parler de ça aujourd’hui ? On a engagé ce dialogue Saali et moi et il continue tous les jours. Saali est sculpteur de pierre à savon, photographe et fait aussi du vidéo. Agent de programme pour Avataq, un institut d’art inuit, il est en lien avec toutes les communautés du Nunavik pour gérer leur programme de subventions aux artistes. Il a accepté d’être commissaire invité pour un espace inuit dans l’exposition qui accompagne le spectacle. Il a choisi des œuvres qui font appel à des ficelles, des cordes ou des fils représentant pour lui la créativité inuit qui vient d’abord et avant tout de la nécessité : les ficelles servent à faire des vêtements, à attacher les traîneaux à chiens, le harpon du chasseur…
Une narration décrit une rencontre fictive entre Riopelle et un jeune artiste inuit de maintenant. Que demanderait le jeune au vieux ? On n’offre pas d’autre réponse que le numéro en scène. La posture n’est pas de prendre un parti, c’est de mettre en relation les perceptions d’aujourd’hui avec celles d’une autre époque et des réflexions autour de ça.
L’art inuit était avant tout dans l’artisanat qui leur sert pour fabriquer des vêtements. Dans les années 70, des blancs comme Riopelle arrivent, trippent sur l’art inuit, achètent des œuvres, repartent avec, se les échangent. Au même moment, le gouvernement canadien éradique le mode de vie traditionnel des Inuit. Riopelle avait-il vu ou pas ce qui se passait à l’époque ? Il se disait un allié des cultures autochtones et pour lui, le savoir inuit et celui des autochtones étaient essentiels et on avait beaucoup à apprendre d’eux. C’est paradoxal : l’art Inuit a émergé à cause d’une certaine forme d’exploitation sur le marché de l’art et comme les blancs ne se préoccupaient pas de mentionner les noms des artistes, les œuvres que Saali a choisi d’exposer sont pratiquement toutes anonymes. »
Présent et perspectives
Samuel Tétreault est satisfait et enthousiaste quand il fait le bilan de RIOPELLE grandeur nature : « C’est extraordinaire de faire ça dans nos studios. À l’époque du Musée Juste pour rire, le public avait l’habitude de voir des spectacles ici. Nous sommes avant tout un centre de création et de production : on répète, on accueille des entraînements libres pour la communauté, on offre des résidences de création ; on diffuse rarement des spectacles. Jouer pendant quatre semaines avec un spectacle immersif et une exposition ouverte au grand public et aux groupes scolaires, on y prend goût. »
Mentionnons en passant que pendant l’exposition présentée au Centre de création des 7 Doigts, des jeunes visiteurs ont réalisé une immense fresque très réussie à partir de de panneaux sur lesquels ils ont peint, fait des collages et utilisé diverses diverses techniques.
« On a un lieu atypique : une boîte noire configurable avec des écrans à 360 degrés, ça permet des productions uniques. Riopelle, est un prototype de spectacle immersif. On aimerait en créer d’autres, mais la jauge est petite : 150 places. Je souhaite ardemment qu’il y ait une suite, idéalement, dans des salles plus grandes. On parle d’aller au Diamant à Québec. En 2025, ce sera l’inauguration de l’espace Riopelle au Musée national des beaux-arts du Québec, il y aurait un timing. J’espère faire Montréal à nouveau, aller à Toronto et Vancouver, puisque Riopelle est un peintre canadien, et je rêve de Paris, de New York, de Tokyo. »
Vue de l’intérieur
Samuel Tétreault a vécu de l’intérieur l’évolution du milieu circassien québécois. « J’ai commencé en 1989 à l’École nationale de cirque de Montréal quand elle était au Centre Immaculée-Conception sur la rue Papineau. C’était complètement hors normes ; les gens qui faisaient du cirque était nés dans une famille de cirque avant ça, c’était le début de la démocratisation avec Guy Caron et ensuite Jan Rok Achard. J’ai vécu le déménagement à la gare Dalhousie – là où a eu lieu le premier spectacle des 7 Doigts – et j’ai été témoin du déménagement à la Cité des arts du cirque. Tout ça aux premières loges. J’étais un des acteurs, un étudiant-apprenti à l’époque et éventuellement fondateur d’une compagnie. C’est fabuleux, je me sens privilégié d’avoir vécu tout ça. »
Il fut un temps où le cirque québécois était rare. À Québec, à partir de 1974, L’Aubergine, fondée par Paul Vachon, crée en théâtre clownesque, le trio Chatouille, Chocolat et Bezom se produit sur plusieurs scènes de la province pendant la même période. Avec comme membre une certaine Angela Laurier, L’Escouade de l’instant tanné, initiée par Michel Barrette, intervient dans les rues en 1979. Le festival des amuseurs publics de Baie-Saint-Paul a lieu en 1980. Quatre ans plus tard naissait un cirque devenu un multinationale du divertissement les plus importantes de notre époque. Mais pendant les premières années, le Cirque du Soleil tournait ses spectacles sous chapiteau. Samuel Tétreault avoue : « L’histoire extraordinaire du Cirque du Soleil nous a fait rêver. J’avais vu Le Cirque réinventé en 89 et ça m’avait ouvert les yeux sur ce que le cirque peut être. »
Le Cirque du Tonnerre, qui tourne au Québec en 1990, devient les Productions Éclats de rire en 1992 avec son cirque familial Akya. Éloize arrive dans le paysage en 1993, et en 1998 naissent le cirque équestre Luna Caballera, les Foutoukours et Artcirq à Igloolik, toujours actifs ; le Cirque Éos a duré jusqu’en 2001. Samuel souligne que les modèles n’étaient pas nombreux : « Le Cirque du Soleil a occupé beaucoup de place jusqu’au début des années 2000. À l’école de cirque, j’ai connu Jeannot Painchaud, Daniel Cyr, Alain, Damien et leur sœur Sylvette Boudreault. J’avais un exemple : ils ont fait un spectacle ensemble, ils ont créé leur compagnie, le Cirque Éloize, c’est possible. »
Éducation circassienne
Samuel Tétreault a été formé pendant les débuts de l’École nationale de cirque de Montréal : « J’ai fait partie du projet pilote pour le cirque études secondaire et du premier DEC en art du cirque. J’ai vu le travail de Jan Rok Achard pour mettre en place un programme professionnel pour devenir artiste de cirque. Tout était à faire à l’époque : les modèles de création, la filière de formation, le travail pour les écoles préparatoires et le secteur récréatif, le modèle entrepreneurial, la fondation de En Piste, le regroupement de professionnels des arts du cirque et ensuite la fondation de la Cité des arts du cirque. Il y a eu un travail colossal de pionniers comme Jan Rok Achard, Guy Caron, Gaëtan Morency, Charles-Mathieu Brunelle, qui ont mis en place ces institutions aujourd’hui essentielles dans notre écosystème des arts du cirque.
À l’école de cirque, au DEC, grâce à un exercice d’écriture avec Guy Caron où il fallait imaginer et réaliser un spectacle, l’idée m’est restée de ne pas être seulement un artiste interprète mais aussi un créateur. À 21 ans, le Cirque du Soleil m’engage et je découvre le monde pendant 5 ans avec Alegria : en Asie, dans les capitales européennes, en Australie, en Nouvelle-Zélande. Extraordinaire. Il n’y avait pas beaucoup d’Internet, pas de médias sociaux. C’était fascinant, mais je ne voulais plus faire toujours la même chose. J’ai ensuite été embauché par Cirque Éloize pour Cirque Orchestra. J’ai rencontré Johanne Madore, une ancienne danseuse de Carbone 14. J’adore son travail : Croisé était fabuleux, NYX aussi, c’est une créatrice inspirante en cirque contemporain…. Pour Cirque Orchestra, Johanne Madore est chorégraphe et Alain Francoeur metteur en scène. Un autre processus avec moins de monde, de la danse contemporaine mélangée avec le cirque et la musique classique. Pendant les répétitions, les artistes devaient improviser alors que je m’attendais à ce qu’on me dise quoi faire. J’ai alors pensé créer moi-même, fonder un collectif. »
Jan Rok Achard sollicite Samuel Tétreault pour devenir membre du conseil d’administration d’En Piste, le regroupement national des arts du cirque : « C’était, début 2001, avant les 7 Doigts. Au même moment, le CALQ reconnaît les arts du cirque comme une forme d’art, subventionnée au même titre que les autres. Je disais à Jan Rok que j’aimerais fonder une compagnie. Il m’a dit : si tu n’as personne avec toi, tu prendras tellement de temps pour l’administration que tu n’auras plus de temps créer, penses-y… »
Des amis et des doigts
Le travail de l’artiste c’est aussi celui de financer son art. J’ai demandé une subvention pour créer numéro d’équilibre inspiré du taï-chi et du capoeira avec des cannes lumineuses. Je l’avais obtenue pour faire une exploration ; je dois être un des premiers boursiers en arts du cirque au Québec ! Le numéro était dans Loft avec 12 cannes ; je ne touchais jamais à terre, tout le temps perché dans des poses inspirées de la capoeira avec des des mouvements en appui sur les mains avec la lenteur et l’équilibre du taï-chi. »
Samuel et ses ami·e·s Shana Carroll, Isabelle Chassé, Patrick Léonard, Faon Shane, Gypsy Snider et Sébastien Soldevila se réunissent à San Francisco et décident de créer ensemble un premier spectacle. C’est la naissance des 7 doigts de la main et comme on dit : the rest is history…
« On s’est lancés là-dedans de façon un peu naïve, mais on avait surtout envie de proposer autre chose que le Cirque du Soleil qui occupait l’imaginaire collectif, à tout le moins nord-américain, avec des personnages fantastiques, des créatures surhumaines auxquelles tu ne t’identifies pas, qui ne créent pas d’empathie ou de catharsis comme au théâtre. On voulait briser le quatrième mur, on voulait quelque chose de plus humain, de plus intime, ancré dans nos quotidiens. Une version de l’artiste de cirque, avant tout comme tout le monde, d’où Loft. En entrant par la porte du frigo, le spectateur arrivait dans notre appartement pour passer un huis clos avec nous. Nous étions animés par le désir créatif d’être nous-mêmes auteurs, metteur-e-s en scène, chorégraphes et artistes interprètes de nos spectacles. »
Futur et défis
Les arts du cirque ont fait des pas de géant depuis un demi-siècle. Le Québec est reconnu comme une terre de cirque qui attire les artistes de partout dans le monde. Le milieu est structuré et de nouvelles compagnies voient le jour chaque année. Samuel Tétreault est positif : « Depuis le moment où tout était à construire, c’est fabuleux de constater ce qui a poussé de toutes les graines semées, le travail accompli par ces bâtisseurs qui ont travaillé pour des opportunités de financement, pour des lieux. Aujourd’hui, il y a une plus grande diversité de propositions artistiques, beaucoup plus de compagnies, des collectifs, des lieux de création et pas seulement à Montréal : à Québec, à Sherbrooke, aux Îles-de-la-Madeleine, à Saint-Germain de Kamouraska. C’est extraordinaire cette diversité qui commence à rayonner. Il y a même un programme de soutien à la diffusion des arts du cirque, Destination cirque, offert par En Piste. Et toutes les écoles : deux offrent un DEC ! Tout ça en 35 ans. »
Mais, il y a un ou deux « mais ». Samuel constate qu’il y a tout de même de sérieux défis à relever : « Dans le contexte post pandémique, la tournée internationale est plus difficile que jamais. Longtemps ça a été le pain et le beurre des compagnies québécoises qui s’exportent très bien. Ici, le marché est petit et sur un grand territoire. Que toutes les compagnies et tous les artistes survivent, ce n’est pas gagné, Je trouve pernicieux que la nécessité de revenir à des petites formes soit liée aux tournées sur le territoire. Tant mieux ! Mais ça devient difficile d’exister avec des moyennes ou des grandes formes qui demandent plus d’argent ; de plus en plus de gens se partagent la même pointe de tarte, le enveloppes des bailleurs de fonds n’augmentent pas. Avec l’inflation, nos subventions ont diminué, comme celles de tout le monde. Si j’ai le même argent qu’il y a 7 ou 8 ans, j’ai perdu 15 %. Prendre un virage commercial, est une autre ballgame. Avec les 7 Doigts, on essaie de jongler avec le cirque de création, les productions plus commerciales avec de la fluidité entre les deux. Ça devient difficile d’imaginer des spectacles avec plus que huit artistes sur scène, un décor, des disciplines acrobatiques qui demandent plus d’installation, la main d’œuvre. Les FLIP Fabrique, les Machine de Cirque, Les 7 Doigts, Cirque Alphonse, c’est pas évident de continuer à tourner… »
Samuel pense qu’il y a encore du chemin à faire et il voit l’évolution des arts du cirque au Québec par périodes : « C’était l’enfance jusqu’au début des années 90, la période adolescente a été assez longue, jusqu’en 2005-2010, moment où il y a plus de maturité dans les propositions artistiques et une bonne diversité. Le cirque d’auteur peut encore grandir, il y a de la place pour que des artistes qui ont été longtemps interprètes développent des nouvelles propositions. »
Pour la création de RIOPELLE grandeur nature Samuel Tétreault parle de « plonger » dans l’œuvre de l’artiste. Lui qui a imaginé un hibou comme totem du créateur de L’Hommage à Rosa Luxembourg et une oie blanche pour sa compagne Joan Mitchell, il pourrait bien être un huard. Il s’est immergé dans l’univers d’un artiste et, comme Riopelle, il est lui-même témoin et acteur de son époque et de l’évolution de son art.
1 Grande embarcation traditionnelle dans la région de Montmagny, pour traverser le fleuve Saint-Laurent en hiver.