Françoise Boudreault
Depuis l’impulsion donnée en 2016 par Rosalie Beauchamp et Guillaume Blais, Le Monastère a fait brillamment son chemin. Désormais reconnu comme un incontournable dans la dynamique circassienne montréalaise, l’organisme sans but lucratif a fêté ses cinq ans le 11 novembre dernier. À ce jour, il a produit dix-sept cabarets de cirque, sans compter plusieurs événements spéciaux, les location à divers organismes en arts et les prestations extérieures estivales dans Le « Jardin ».
Le dix-septième cabaret du Monastère, fin novembre et début décembre 2021, comptait une dizaine de numéros avec une douzaine d’artistes au programme, réunis dans une ambiance festive, le tout animé par la clowne Vanessa Kneale. La relève y était brillamment représentée, notamment par la Californienne Leela Masuret, diplômée de l’ÉNC en 2021, dont la fougue et le style ont soulevé la foule qui l’a applaudie avec enthousiasme. Dans ce numéro au tissu aérien, l’expressivité, tantôt calme, tantôt énergique, touche autant la chorégraphie acrobatique que la manipulation des tissus, le tout habilement synchronisé avec la musique. Sous le magnifique ciel aux boiseries ouvragées de l’église St Jax, les numéros aériens de Nicolas Allard au trapèze danse et de Pierre Heault au trapèze ballant ont également impressionné, ce dernier accompagné par le pianiste Julien LeBlanc. Des artistes expérimentés comme les Poline – Nadine Louis et Catherine Girard -, Stéphane Gentilini et Andy Giroux ont également contribué à la réussite de la soirée. Précédant le spectacle avait lieu une présentation des élèves de l’École nationale de cirque de Montréal. Pendant cette improvisation humoristique, dirigée par Rénald Laurin, les jeunes ont mis leur travail à l’épreuve du public.
La formule du cabaret met en valeur les artistes et leur numéro, souvent dans une variété des approches et des disciplines où chacun et chacune trouve son compte. L’ambiance est détendue, on prend un verre, on festoie, et, si l’acrobatie tient une place de choix dans le programme, le ou la MC avec ses interventions et présentations humoristiques constitue l’un des ingrédients savoureux d’un bon cabaret. Dans les deux cas, on trouve à Montréal amplement de ressources artistiques pour alimenter ce genre de production. En décembre, à l’instar de beaucoup de cabarets européens un souper-spectacle a été offert avec des produits québécois, le Monastère étant l’une des rares compagnies montréalaises qui l’on fait.
Un lustre pour le Monastère
Le Monastère a soufflé cinq cierges avec un bilan qui force l’admiration. Pour les dix-sept cabarets réalisés à date, autour de 200 numéros ont été présentés. N’oublions pas que pour chaque cabaret, en plus des artistes, du personnel de salle et des techniciens sont embauchés, sans compter l’équipe des permanents œuvrant au quotidien. Rappelons que la mission de l’organisme est de promouvoir une forme de cirque qui valorise les créations originales, les numéros, tout en donnant des contrats aux professionnel·les d’ici ou de passage pour travailler avec des compagnies québécoises. La majeure partie du chiffre d’affaires de l’OSBL va aux artistes.
Le partenariat avec le Centre St Jax depuis 2018 a donné de l’envergure au Monastère. D’abord, le lieu est splendide et permet un accrochage en grande hauteur. Rosalie Beauchamp se souvient : « En février 2019, Shannon Gélinas a fait dans l’église St Jax le premier numéro d’aérien, au tissu, sur Tu m’aimes-tu de Richard Desjardins. Et le premier numéro de trapèze ballant, en septembre la même année, était celui de Célien Pion ». En 2020, malgré la pandémie, Le Gym ouvre ses porte avec de strictes conditions sanitaires et met trois salles à la disposition des professionnel·le·s qui s’y entraînent quotidiennement ; certain·e·s y donnent des cours de perfectionnement.
Pendant l’été 2020 l’ouverture du Jardin permet des prestations d’artistes locaux à l’extérieur, visibles de la rue. Des animations ont été présentées de clarté dans le Jardin car les regroupements étaient interdits. Les mardis à 18 h, pendant l’été 2021, les « Pique-Niques au Cirque ! » étaient présentés pour tous, et les cabarets de cirque, à la tombée de la nuit. La population qui fréquente le secteur, sur Sainte-Catherine à proximité de l’université Concordia, a découvert ou connu davantage un cirque présenté en toute simplicité. Pendant l’été 2021, un portique permettant l’accrochage d’appareils aériens est installé à l’extérieur où ont aussi eu lieu trois cabarets qui, en cas de pluie, pouvaient se replier à l’intérieur. Là encore, aux spectateurs assis dans l’enceinte du Jardin s’ajoutaient les passants qui s’arrêtaient dans la rue.
En plus de fidéliser le public des cabarets, Le Monastère a servi de lieu de diffusion pour des compagnies d’ici comme La Croustade, Paysage Dynamique, Marguerite à bicyclette, Tupiq A.C.T. ou XP_Montréal qui y ont présenté leurs productions. Il y en a eu dix en 2021. Pour 2022, Le Monastère prévoit réaliser 6 ou 7 cabarets et embaucher environ 70 artistes, sans compter les techniciens et le personnel de salle. Également prévu, le retour des souper-spectacles, en partenariat avec Olive Orange. La première édition les 2 et 3 décembre 2021 a été un franc succès auprès des compagnies
Souvenirs en vrac
Le premier cabaret du Monastère a eu lieu en 2017 dans un bar du Village, au Unity. Joe de Paul officiait comme MC et Andy Giroux étrennait sa mini roue Cyr. Le deuxième était au Plaza, sur Saint-Hubert, et puis il y a eu les cabarets en Beauce, des moments inoubliables pour Guillaume Blais : « Quand nous sommes allés en Beauce la première année, il y avait une grande solidarité autour du projet et tout le monde voulait que ça fonctionne : les commanditaires, le catering, etc. Tout le monde de la région a mis l’épaule à la roue. En plus, l’installation était magnifique. Nous avons recréé un chapiteau à l’intérieur d’un ranch ! »
Les trois cabarets présentés en 2021 dans le Jardin, à l’extérieur, sont mémorables. Le Cabaret du Jugement dernier en partenariat avec Montréal Complètement Cirque sollicitait la participation du public et d’un jury de professionnels pour des prix remis à des artistes : le grand « Calice », le moyen et le petit. Le tout animé de main de maître avec un humour fin par Anthony Venisse et son allié Michel Michel. Le Cabaret de la fierté, animé par l’acro-drag queen Matthew Richardson, alias Jessica René, offrait plusieurs numéros emblématiques d’une certaine relève : la fougueuse Sandy Tugwood à la corde lisse, le duo trapèze Mathieu et Corentin, les sangles modifiées de Clara Laurent, la jonglerie contemporaine et queer de Jon Witte, sans oublier Zed Cézard et son mât pendulaire. Le Cabaret dans le jardin, animé par un Jerry Tremblay aux allures de matamore, présentait entre autres Bobby Cookson et son originale approche de la roue Cyr et Santi et Augustin au mât chinois ains que le diaboliste virtuose Noah Nielsen. Du côté des animateurs, profitons de l’occasion pour rappeler la dynamique performance du trio de T2C formé de Barthelemy Glumineau, Gisle Henriet et Jérémie Robert en avril 2019.
Certains des numéros présentés aux cabarets du Monastère ont rarement été vus ailleurs. Parmi ceux-ci, le duo Lace avec Marie-Ève Dicaire et Geneviève Drolet aux équilibres sur les mains, Guillaume Paquin et Nicole Faubert aux sangles, Shena Tschofen à la roue Cyr, Julius et César au main à main, et j’en passe. Un clin d’œil à Jimmy Gonzalez et son originale jonglerie avec argile, actuellement au programme de Céleste d’Éloize.
Mentionnons en terminant qu’en septembre 2021, les prix Montréal centre-ville de La Presse ont attribué au projet du Jardin le prix événement. Le Monastère a reçu récemment le prix spécial du « Best of the City 2021 » du magazine Time Out Montréal.
Vous avez fréquenté Le Monastère ? Rafraîchissez votre mémoire en revoyant des images des cabarets passés avec en prime une sélection musicale pour chacun d’eux.
Fidèles du Monastère, réjouissez vous, le prochain Cabaret aura lieu en mars 2022. Alléluia ! !
Publié le 17 décembre 2021