Françoise Boudreault
La première de Sweat and Ink / De sueur et d’encre devait avoir lieu en mars 2020 à Bruxelles. Elle a malheureusement été annulée pour cause de pandémie, mais les artistes de Cirque Barcode n’ont pas chômé depuis. Le quatuor a contribué à Branché, une création in situ avec Active for climate Montréal présentée à plusieurs reprises pendant l’été 2021 et aussi, dans la même veine, au projet Élémen’Terre piloté par Marie Tabarly, qui écume les mers sur le voilier PenDuick VI. En résidence à la TOHU en janvier dernier, la compagnie a peaufiné De sueur et d’encre, entre autres.
Premier spectacle présenté dans la salle circulaire de la TOHU depuis mars 2020, De sueur et d’encre inaugure formidablement une programmation dont les amateurs de cirque se délecteront pour la fin de 2021 : Ghost Light de Machine de Cirque et les supplémentaires de Cirque Alfonse avec son Animal en novembre ; en décembre, la compagnie française Les hommes penchés nous visite avec Instable et FLIP Fabrique reprend Six°.
De sueur et d’encre débute par un suite de photos et de portions d’images délimitées par l’éclairage, comme des souvenirs, des flashes qui se succèdent rapidement. La mise en scène aborde de façon fragmentée le thème de la mémoire et, il faut bien le dire, s’éparpille un peu parfois, mais joliment. Les interprètes représentent diverses facettes de la mémoire : l’un raconte ses souvenirs avec une machine avec laquelle il discute, l’autre a perdu la mémoire et son acolyte fait tout pour l’aider à la retrouver, une autre raconte un souvenir relié à la TOHU. Des projections dans la scénographie donnent à voir des mots ou des images et, même si l’éclairage porte une théâtralité parfois sombre, en résonance avec un titre comme De sueur et d’encre, le spectacle comporte plusieurs moments souriants.
La première partie donne à voir les forces de la compagnie : des acrobates de haut niveau, créatifs, en maîtrise de leur art, qu’on parle de voltige à la barre russe, de manipulation de boîte à cigares ou de main à main, sans oublier la banquine, l’acrobatie au sol, la mini planche coréenne, le cerceau aérien. Les chorégraphies acrobatiques sont fortes et intègrent, par exemple, la barre russe hors de son usage conventionnel, pour notre plus grand plaisir. Le tableau avec les boîtes à cigares, sur table d’abord, est particulièrement réussi et donne à voir autant la virtuosité que la fluidité du travail de groupe. Au spectaculaire du cirque s’ajoute celui de l’éclairage avec un moment saisissant où la silhouette d’Ève Biegel flotte au-dessus d’un faisceau lumineux.
Ce premier spectacle de Barcode est captivant. La superbe musique de Betty Bonifassi ajoute ses couleurs sensitives et insuffle une énergie en phase avec celle des acrobates. Eric Bates, Ève Bigel, Tristan Nielsen et Alexandra Royer sont d’excellents artistes qui valent le déplacement. Une première œuvre prometteuse qui s’envolera dans les prochains mois pour la France – Paris notamment -, l’Autriche, la République Tchèque et l’Espagne, à la rencontre des publics européens. Si De sueur et d’encre passe par chez vous, ne le manquez pas !