Françoise Boudreault
Après deux éditions sans visiteurs de l’étranger, Montréal Complètement Cirque fait découvrir à ses festivaliers les multiples formes d’un art qui se pratique sous toutes les latitudes. Cirque nordique ou caribéen, il nous parle, de la place des spectateurs et de celle des femmes.
Trio du Nord
Dans le hall de la TOHU, entourés des cerfs-volants de l’exposition de Robert Trépanier, le public se place dans des cases au sol, on dirait un labyrinthe. Fase va bientôt commencer et les acrobates viennent dans l’espace où les attendent déjà les spectateurs et au milieu, leurs costumes empilés, qu’ils enfilent pour ensuite prendre position et commencer leur prestation. Les premiers mouvements du trio sont lents : des transferts de poids les uns par dessus les autres, puis, après un moment, ils échangent leur position, se supportent successivement. Le mouvement se développe peu à peu : étreintes, portés, glissades sur le corps des autres. Les artistes se meuvent autour des spectateurs qui se retrouvent au centre de l’action. L’acrobatie évolue en complexité et en vélocité. Les acrobates entrent à leur tour dans les cases, on se déplace pour leur faire place, il y a des échanges de regards, des rires et des sourires.
Provenant de Norvège et des Pays-Bas, les membres du trio Marta & Kim partagent leur création en occupant le hall de la TOHU de belle façon. En plus du travail de mouvement et des chorégraphies acrobatiques avec des trouvailles comme la construction inventive d’une colonne à trois, Fase propose un expérience de spectateur ludique et unique.
Quatuor du Sud
La compagnie Métis’Gwa propose Belles Places, avec des artistes originaires de Guadeloupe, Guyane et France. Les quatre créatrices du spectacle ont choisi de faire entendre des voix féminines parler des femmes et de féminisme. Dans l’obscurité en début de spectacle, s’ajoutent à ces voix enregistrées celles en direct des acrobates et danseuses qui se décrivent mutuellement avec des mots qui respirent l’amitié et la solidarité.
Avec deux roues Cyr comme seuls appareils et un éclairage efficace comme décor, Belles Places nous parle un langage physique volubile et empreint de grâce. Une écriture chorégraphique bien tricotée, marquée d’expressivité et de danse pure, avec par moments des tableaux séquentiels dans des rectangles de lumière. Les chorégraphies dansées et acrobatiques avec la roue Cyr sont élaborées, aussi intéressantes en solo qu’en duo. On a vu deux femmes évoluer et danser avec la roue Cyr, mais avec le potentiel en présence, on aurait aimé en voir trois, ou quatre… Dans une prochaine création peut-être ? Avec Belles Places, Métis’Gwa s’exprime avec un vocabulaire rare sur nos scènes, livré par des interprètes dont l’art atteint une réelle plénitude.