« Fleuve » – Cirque à la plage
Françoise Boudreault
Avez-vous assisté à des spectacles de cirque cet été ? En ces temps covidiens, pas évident. Dans cette nouvelle réalité des arts vivants qui évite la proximité physique, on demande aux créateurs de se réinventer à qui mieux mieux et l’amateur·e de cirque espère tomber sur un « spectacle surprise » au hasard des quartiers. Difficile de prévoir ou d’avoir hâte. On se rabat sur nos écrans pour compenser. Et pourtant…
Machine de Cirque a créé Fleuve, un spectacle gratuit pour lequel il était possible de réserver sa place, à l’affiche pendant deux fins de semaine en août. Pendant six soirs, la formule proposait quatre tableaux que tous les spectateurs d’une même représentation n’ont pas dans vu dans le même ordre. Vous aimez les chiffres ? À trois représentations avec trois groupes de spectateurs par soir, chaque artiste a exécuté sa partition neuf fois par soir pour un joli total de 54. Les interprètes ont évidemment réparti leurs actions acrobatiques en tenant compte de toute l’énergie nécessaire à cette performance originale.
Route fluviale névralgique de notre pays depuis la nuit des temps, le Saint-Laurent a aussi inspiré le Cirque de la Pointe-Sèche qui a produit en 2019 son maritime Naval, à Saint-Germain de Kamouraska dans un lieu spectaculaire à flanc de montagne. La plus récente création de Machine de cirque se déploie à Québec dans la baie de Beauport.
Porté par seize circassiens·nes, la production respecte la distanciation physique entre les artistes autant qu’entre les spectateurs. Le nombre d’acrobates aidant, Fleuve donne à voir plusieurs disciplines : équilibres sur cannes, vélo acrobatique, monocycles, perche, sangles, roue Cyr, main à main, portés acrobatiques, planche coréenne, trampo mur, patin à roulettes, mât sur un socle circulaire, équilibres sur chaises et Segway…
Fleuve a été créé en un court laps de temps court, incluant l’aménagement de scènes et d’espaces qui évoquent la pêche, un phare, les grandes tempêtes du Saint-Laurent et un chantier de construction. La production a compté sur la contribution d’artistes chevronnés comme Maude Arseneault, Raphaël Dubé, et Yohann Trépanier, diplômés 2012 de l’ÉNC, tout comme Camille Tremblay qui enchaîne les équilibres sur cannes avec une énergique précision. Cette maîtrise fait plaisir à voir, d’autant plus que le cadre de la performance est unique dans un tableau sur la plage, avec un pêcheur à la mouche dans une embarcation, des acrobates qui évoluent dans l’eau et les lumières qu’on aperçoit au loin, de l’autre côté de la baie. Très beau !
Le tableau le plus dynamique met en scène un quatuor dont les membres s’interpellent en mettant en place un échafaudage de cubes où Antoine Morin exécute un équilibre sur la tête. S’ajoutent des séquences de planche coréenne avec Maxim Laurin et Guillaume Larouche ainsi que de trampo-mur avec l’excellente Frédérique Hamel. Bien trouvé !
La Baie de Beauport recèle le potentiel prometteur de lieux intéressants pour de futures mises en scènes de cirque ; avec Fleuve, tout est là pour une suite ou une réédition. Les chanceux·euses qui ont obtenu des places ont vu un mémorable spectacle de cirque aux effluves maritimes sur lesquelles faire naviguer leur imaginaire.
Amateurs de cirque, surveillez d’autres spectacles en distanciation qui auront lieu bientôt par Le Monastère à Montréal et Luna Caballera à Notre-Dame-du-Rosaire. Pour vos écrans, La Croustade vient de commencer une série de vidéos sur facebook et le Cocktail de cirquantique se rapproche.