MCC – Cirque et délices

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Photo Per Mortem Abrahamsen
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4 juillet 2019,

Françoise Boudreault

Voyage dans le temps et dans l’univers halluciné d’un peintre unique en son genre, Bosch Dreams revisite Le jardin des délices en mode cirque avec une théâtralité nourrie par une esthétique picturale originale.

 

À défaut de contempler Le jardin des délices au Prado de Madrid ou dans un livre d’art, on peut l’observer à l’écran pendant des heures tant cette œuvre comporte de détails. Un grand panneau central nous montre un paysage, préfigurant le surréalisme pour certains, qui exprime la vision fantasmée d’un lieu où d’innombrables humains dénudés vivent en dehors des contraintes d’une civilisation étriquée. Ils sont entourés d’une nature généreuse, de structures organiques étranges et de créatures fantaisistes sorties de l’imaginaire délirant de Jheronimus Bosch.

Bosh Dreams se découpe en tableaux et nous suivons par bribes la conférence éducative d’un historien de l’art – personnage plutôt Lepagien – spécialiste du peintre naturaliste flamand, qui intervient ponctuellement au cours du spectacle. Il nous parle des hypothèses qui ne manquent pas sur l’oeuvre foisonnante de Jérôme Bosch : il aurait consommé du LSD, il aurait influencé Dali, entre autres. Inspirée par la filiation entre le cirque et l’imagerie du peintre visionnaire, la mise en scène de Samuel Tétreault intègre avec bonheur plusieurs éléments de la large sphère d’influence de ce artiste majeur, notamment des accents psychédéliques avec la musique des Doors. Les acrobates s’intègrent à merveille dans des parties ou un détail de l’oeuvre culte : l’excellente Marie-Ève Dicaire, fluide et solide, tel un diaphane insecte dans une chorégraphie aux gestes délicats, danse en équilibre sur ses cannes devenus les pistils d’une fleur géante, un des plus beaux moments du spectacle.

L’utilisation judicieuse des animations réalisée par Ange Potier, apporte beaucoup à cette réussite artistique : les projections font voler des nuées d’oiseaux et se mouvoir ces animaux autrefois immobiles et les êtres peuplant ce jardin fantasmé. Contrairement à plusieurs autres spectacles des 7 Doigts, où la personnalité des interprètes devient un élément de la dramaturgie, Bosch Dreams se distingue par le dialogue avec une œuvre picturale marquante et son époque : Le jardin des délices, encadré par l’Éden et l’Enfer, ce dernier volet faisant l’objet d’un tableau fort prometteur avec mât chinois lorsque vu en novembre 2018, aux Boréales de Caen.

Il aura fallu quasi trois ans depuis sa création en septembre 2016 à Copenhague pour que les québécois apprécient à leur tour une oeuvre à l’imagerie forte, vue dans plusieurs pays. Plus théâtrale que les productions habituelles des 7 Doigts avec ses nombreux personnages, le jeu masqué et plusieurs scènes sans acrobatie, ces rêves de Bosch 3.0 sont un plaisir pour les amateurs d’art ou de cirque contemporain et un délice pour les yeux.

 

Vu aussi aux Boréales de Caen : Épifónima de Cirkus Cirkör. Pour en lire plus, cliquez ici.