Françoise Boudreault
Fait à partir de matériel présenté dans la rue, Finale sollicite dès le départ les réactions et la participation du public. Les arts de la rue exigent des artistes qu’ils rassemblent les spectateurs pour ensuite capter leur attention et ils doivent continuer de les captiver pour qu’ils restent non seulement jusqu’à la fin d’une prestation, mais jusqu’au moment crucial où les artistes passeront le chapeau. Le contexte du spectacle en salle nécessite une approche différente, mais la troupe d’Analog a voulu conserver une certaine proximité, un contact avec le public, et on le sent bien dès l’entrée par la salle des deux premiers artistes : Richie Maguire et Florian Zumkehr, ce dernier directeur de création de Finale. Outre les six acrobates, une chanteuse et un batteur – aussi compositeur pour ce spectacle – assurent la partie musicale.
Les huit artistes de Finale sont des amis qui résident la plupart à Berlin. La compagnie Analog fonctionne en mode collectif et tout au long de la représentation la chimie entre les membres du groupe est manifeste. D’un spectacle de cirque à l’autre, certaines disciplines reviennent forcément, comme à l’opéra où l’on retrouve toujours des chanteurs qui font à leur manière des partitions interprétées par d’autres avant eux et où l’orchestre est formé des mêmes sections : cordes, instruments à vent, cuivres, percussions… Dans Finale, un ingrédient particulier confère une originalité à plusieurs appareils ou numéros. Ainsi, les séquences de jonglerie de Bertan Candelbek sont parfaitement synchronisées avec la batterie de Lukas Thielecke, donnant une tonicité unique au numéro. Au mât chinois habituel, Carlos Zaspel en a ajouté un autre, attaché en haut, qui tourne en angle autour du premier, additionnant une difficulté puisque l’acrobate doit sans cesse l’éviter ou l’utiliser. Au lieu des cannes ou des blocs, Florian Zumkehr fait ses équilibres sur des piles de livres. Le numéro au cerceau aérien de Manda Rynman est digne de mention. Figures plutôt traditionnelles, ses suspensions par les talons et ensuite par un seul épatent autant que la chorégraphie de cette autodidacte de l’aérien possédant un vocabulaire différent de ce qu’on voit habituellement ici.
Alors que les scénographies de Somos ou Spring étaient minimalistes, la scéno de Finale serait plutôt de type “maximaliste”. De nombreux éléments constituent le décor et l’on voit des boîtes de carton en quantité. Chaque artiste en a d’ailleurs une qui contient des objets personnels, avec son nom écrit dessus. En fond de scène, les hautes toiles verticales de l’artiste Lukas Musil, alias Musa, un artiste visuel pragois connu aussi pour ses tatouages. Au centre il y a la batterie dans un cube ouvert et tout autour des empilades de boîtes et de caisses en plastiques. Quand vient le numéro de cerceau chinois – il n’y en a qu’un seul au lieu de plusieurs superposés comme on voit habituellement – c’est avec ces boîtes et “caisses de lait” qu’on donnera de la hauteur du cerceau. Rappelant le solo d’Irena Purschke avec sa « corde sans fin » présenté il y a plusieurs années dans Capharnaüm de Luna Caballera, la corde lisse passe par une poulie et les autres membres du groupe contribuent au numéro. La présence quasi constante des membres de la troupe sur le plateau fait d’ailleurs partie de la mise en scène de Finale, autant que le comique, incontournable dans cette forme de spectacle où l’on s’amuse autant qu’on admire les prouesses.
Si Montréal complètement cirque est maintenant terminé, mais puisque le FInale a été programmé en collaboration avec Juste pour rire, le plaisir se poursuit avec Finale, au Saint-Denis jusqu’au 20 juillet.